King Kong : itinéraire d’une figure iconique

Trônant au sommet de l’Empire State Building, un gorille géant frappe son torse de ses poings. Cette séquence iconique, ayant largement dépassé les frontières du seul cinéma, est issue du premier métrage mettant en scène la créature : King Kong (1933), réalisé par Ernest B.Schoedsack et Merian C. Cooper. Le singe aux dimensions titanesques fait aujourd’hui partie de la culture populaire. Il évoque à la fois une figure monstrueuse et tragique. Véritable révolution lors de sa sortie, l’œuvre du duo de cinéastes américains influencera un nombre considérable d’artistes et donnera lieu, parmi les innombrables suites et récits dérivés, à deux remakes, l’un en 1976, l’autre en 2005.

King Kong (1933)

Le récit prend place durant la crise économique américaine. On y suit le réalisateur Carl Denham en voyage vers la Malaisie pour un tournage. Accompagné de sa vedette, Ann Darrow, et de son équipe technique, ils se rendent sur une île mystérieuse ne figurant sur aucune carte : Skull Island. Sur place, ils découvrent une gigantesque muraille encerclant une jungle à la faune hostile tout droit venue d’un autre temps. Une titanesque créature semble régner en maître sur cette île qui constitue une combinaison parfaite des fantasmes associés à tout récit d’aventures…

Sous ses dehors de film d’aventures comme il pouvait en exister des dizaines, le film de Cooper et Schoedsack est une œuvre d’une importance capitale pour l’histoire du cinéma. King Kong marque en effet un tournant dans le domaine des effets spéciaux, notamment parce qu’il est l’un des premiers à montrer aussi frontalement la rencontre de monstres gigantesques et d’humains. Afin de donner vie au bestiaire préhistorique de Skull Island et, par extension, de Kong, le film mise sur le principe de la stop motion, sublimée par l’expertise de Willis O’Brien. Véritable légende du domaine, l’artiste s’était alors déjà illustré dans l’animation des sauriens préhistoriques de The Lost World (1925), l’adaptation du roman d’aventures culte d’Arthur Conan Doyle. Le film constitue à bien des égards les prémices de King Kong. Dans ce dernier, les environnements et les créatures de l’île bénéficient d’un soin minutieux afin d’obtenir un rendu vivant et terrifiant, associant l’Homme et le dinosaure au sein d’une même image. La technique, encore balbutiante, deviendra plus tard une véritable référence dans le domaine de l’animation. C’est d’ailleurs King Kong qui pousse le jeune Ray Harryhausen à s’initier à la stop motion et au monde des effets spéciaux. Ce dernier deviendra la figure la plus reconnue de ces disciplines. En somme, le long-métrage de 1933 définit pratiquement à lui seul l’imaginaire et le cadre technique dans lequel se développeront les effets spéciaux modernes.

Kong : une figure antagoniste ?

Si l’on veut saisir les subtilités scénaristique du film, il convient de faire abstraction de la figure , pourtant centrale, de Kong telle que nous la connaissons aujourd’hui. En effet, dans l’imaginaire contemporain, renforcé certainement par les dernières itérations cinématographiques du géant, le gorille est assimilé à un être positif. Pourtant, si l’on se replace dans le contexte des années 30, à la sortie du film, le primate est tout d’abord identifié comme une figure antagoniste. Il est responsable d’un certain nombre de morts ainsi que de la capture d’Ann Darrow. Les affiches du métrage le présentent, sans hésitation, comme un monstre. Kong est brutal, menaçant, agressif et n’obéit qu’à son instinct animal. Sur cet aspect, le film s’approche même, par instants, du genre de l’épouvante. C’est justement là que se situe toute la finesse de l’écriture du King Kong de 1933.

Lors de la scène finale sur l’Empire State Building, le gorille géant, touché par des tirs d’avions, semble d’un seul coup prendre conscience de son funeste destin. C’est également à cet instant que le regard du public change et que ce dernier peut remettre en question les agissements des humains. L’animal mérite-t-il de mourir pour avoir simplement agi par instinct ? C’est l’homme qui a pénétré et profané son habitat. C’est l’homme qui l’a capturé et en a fait une attraction de foire. Kong était un roi sur son île, divinisé par les peuplades autochtones. Un statut que semble ne pas supporter l’homme, et singulièrement l’homme occidental. La capture et l’anéantissement du primate est une manière pour ce dernier de prouver sa supériorité sur la Nature, et rappelle ainsi le rapport conquérant et utilitaire qu’il entretient avec elle. Le gorille tente tant bien que mal de fuir. L’ascension du building est ultime tentative de reconquérir son statut, mais l’homme, de la plus violente des manières, lui rappelle qu’il ne peut y avoir qu’une seule espèce dominante.

C’est assurément ce final qui fait de Kong une figure tragique dans l’imaginaire populaire. Kong meurt à cause de son statut d’animal pensant, à cause de sa curiosité qui l’a poussé à s’intéresser à des éléments extérieurs à son environnement et, en l’occurrence à Ann Darrow, incarnation féminine du désir masculin. En ce sens, il s’inscrit parfaitement dans le sillage des Universal Monsters et d’êtres fantastiques tels que la créature de Frankenstein. Il est à la fois une victime collatérale d’une certaine humanité et entretient un rapport évident à l’érotisme par la dualité homme/animal qu’il incarne.

Le film est un immense succès critique et économique malgré la censure. Il verra naître une suite la même année : Le Fils de Kong. King Kong révolutionne le cinéma non seulement par sa technique mais également par le traitement moderne de ses thématiques. Contrairement aux autres grandes figures monstrueuses du cinéma (Dracula, Frankenstein, le loup-garou, la momie…) Il ne s’agit par ailleurs pas d’une adaptation. Kong est une authentique créature de cinéma ayant largement débordé de son média d’origine. Si le film touche à plusieurs genres, il représente aujourd’hui la quintessence du cinéma d’aventures. Nombre de séquences figurent aujourd’hui parmi les plus impressionnantes des années 1930, comme l’iconique rencontre entre Kong et le Tyrannosaure. Il ne fait aucun doute que Cooper, Schoedsack et O’Brien ont accouché d’une œuvre fondatrice, un jalon dans l’histoire du cinéma.

King Kong (1976)

Suite au succès immense du film de 1933, le gorille géant devient instantanément célèbre. Entre les suites et les dérivés, avec notamment une apparition au Japon dans King Kong contre Godzilla (1962), l’animal continue de fasciner à travers les décennies. Il faut pourtant attendre les années 1970 pour que l’idée de produire un remake du premier métrage fasse son apparition. La réalisation est tout d’abord proposée à divers cinéastes en vogue comme Roman Polanski ou Sam Peckinpah. C’est finalement John Guillermin, tout juste auréolé du succès de La Tour Infernale (1974) qui est engagé pour mettre en images le projet tandis que les rôles principaux reviennent à Jessica Lange et à un jeune Jeff Bridges.

Nous suivons une compagnie pétrolière montant une expédition en bateau destinée à découvrir de nouvelles zones à exploiter. Après avoir repêché en mer la jeune Dwan (Jessica Lange), ils se dirigent vers une île inconnue peuplée d’indigènes. Sur ce territoire, se trouve une muraille derrière laquelle une jungle occupe la majeure partie des lieux. Dawn est alors capturée par une terrible créature : Kong, un gorille gigantesque.

Une production compliquée

Le producteur Dino De Laurentiis, réputé pour ses projets d’envergure et son obsession du contrôle, mise énormément sur ce projet qui a pour vocation de devenir un blockbuster familial. L’ambition est également de placer le métrage au centre des questionnements politiques et écologiques de l’époque tout en respectant l’héritage de l’œuvre de 1933. Le film va rencontrer d’énormes problèmes durant sa conception et conserve bien des séquelles de sa production chaotique.

Le tournage se révèle éreintant. De Laurentiis veut faire apparaître un gorille mécanique géant dans le film (l’un des plus grands animatroniques jamais conçu à l’époque) et impose une date de sortie fixée pour 1976. Pour les plans rapprochés, le célèbre maquilleur Rick Baker doit concevoir un costume de gorille qu’il endossera lui-même durant le tournage. Entre les acteurs malades et les blessures sur le plateau, l’incompréhension entre les membres de l’équipe parlant anglais et ceux l’italien, les figurants ingérables et un producteur tyrannique, le film de Guillermin est le fruit abîmé par une production mégalomaniaque.

Comparaison inévitable

Il est inévitable de comparer le résultat au classique de 1933 et la confrontation ne joue pas en la faveur de ce remake. La vision proposée par Cooper et Schoedsack est ici relayée au second plan au profit d’une direction largement plus terre-à-terre d’un point de vue visuel et thématique. Le film est, de fait, beaucoup moins tourné vers la fantasmagorie. Les motivations des protagonistes du récit, à savoir le pétrole, et l’apparence générale de l’île amoindrissent le rapport très étroit que l’original entretenait avec le récit d’aventures. Skull Island perd sa dimension préhistorique. La riche faune du film de 1933 est absente et laisse place à une jungle presque intégralement vide. Même si l’on retrouve un affrontement entre Kong et un serpent géant, unique survivant de la panoplie de monstres du métrage souche, la séquence dénote au sein du récit. L’aspect mystique semble abandonné au profit d’un métrage tourné vers une forme de réalisme.

Les personnages quant à eux font preuve d’un manichéisme plus prononcé qu’auparavant. Kong se trouve largement plus humanisé. Les techniques évoluent, il s’agit d’un homme en costume dans la plupart des plans et non plus d’une marionnette. Guillermin s’évertue à mettre en images le gigantisme du gorille grâce à de nombreux artifices de studio. La relation entre Kong et Dwan est finalement peu mémorable dans la forme, du fait d’une écriture se contentant de singer l’imagerie du premier film. Le final se déroule sur les Twin Towers, symbole de dualité, et non sur l’Empire State Building et tente de rapprocher au mieux les deux personnages. Le film souligne le lien très fort qui naît entre le singe et Dwan.

L’érotisme

Si le métrage de John Guillermin souffre de la comparaison avec son aîné, il contient cependant une dimension érotique largement plus développée que dans l’opus original. Cet aspect constitue assurément l’élément déterminant de son identité. Dès la version de 1933, l’œuvre était régulièrement considérée comme un film à la frontière du romantisme et de l’érotisme, dans la grande tradition des films de monstres des années 30. Néanmoins, dans le cas présent, que cela soit dans les actions de Kong, des personnages environnants ou encore dans les dialogues, le métrage impose une forme de tension sexuelle bien plus explicite. Le gorille, très humanisé et beaucoup moins monstrueux, se montre accueillant avec le personnage de Jessica Lange. Cette vision correspond en réalité à l’idée que l’on pouvait alors se faire de Kong, figure devenue iconique appréciée du grand public. Il fallait alors représenter un personnage auquel le spectateur s’attache immédiatement, prouvant ainsi que le final du film de 1933, en humanisant le singe, a durablement marqué l’imaginaire collectif.

King Kong (1976) est au final une œuvre meurtrie et ayant peu de personnalité. Il en reste un produit profondément ancré dans les seventies qui n’a pas grand chose d’autre à offrir que le témoignage de ce que pouvait être un blockbuster à cette époque. Si le film a connu une suite en 1986, également réalisée par Guillermin et intitulée King Kong 2 (King Kong Lives), le résultat nanardesque n’est à conseiller qu’aux plus courageux. Il faudra attendre près de 30 ans pour voir cette histoire se matérialiser à nouveau sur grand écran.

King Kong (2005)

Peter Jackson est à ce jour l’un des cinéastes de premier plan possédant l’une des carrières les plus atypiques. Considéré comme l’enfant terrible du cinéma néo-zélandais, il a commencé sa carrière avec des films mixant une solide dose de mauvais goût à un remarquable savoir-faire. C’est assurément le cas de son premier long-métrage, Bad Taste, qui lui offre une belle réputation auprès du public de festival de films d’horreur. Le long-métrage, sorte de récit de science-fiction gore, fait preuve d’un humour potache, souvent sous la ceinture et d’une violence exacerbée. L’aspect général de l’œuvre assume son côté très amateur, mais l’on décèle déjà chez le cinéaste, aussi jeune soit-il, un indéniable talent. C’est avec son deuxième film, Les Feebles (sorte de Muppet Show trash), et son troisième, Braindead, que le cinéaste développe son univers mêlant débauche et excès en tous genres. Jackson s’affirme comme un réalisateur jusqu’au-boutiste n’ayant aucune limite dans les situations qu’il dépeint.

En 1994, le néo-zélandais se fait remarquer par les majors avec un projet plus intimiste : Heavenly Creature. Plusieurs propositions lui sont alors soumises dont l’adaptation du Seigneur des Anneaux et un nouveau remake de King Kong. La version de 1933 étant son film préféré, il saute sur l’occasion et commence, avec Weta Digital, a travailler sur la pré-production. Les plus attentifs auront d’ailleurs constater que l’introduction de Braindead débute justement sur Skull Island en guise d’hommage à peine déguisé. Pour Jackson, c’est un projet très personnel qui lui est cher, mais cette première tentative est finalement annulée suite à l’échec commercial de son film suivant : Fantômes contres Fantômes. Cet arrêt net poussera le cinéaste à s’atteler au Seigneur des Anneaux, presque par dépit. La trilogie ayant été l’immense réussite que nous connaissons, Jackson reçoit non seulement le feu vert pour la production du remake de King Kong mais également le plus gros cachet jamais attribué à un réalisateur. Il s’investit pleinement dans le projet, en recommençant tout le travail de pré-production à zéro. Le film sort finalement en 2005 et, même s’il divise le public et la critique, connaît un immense succès commercial.

Un héritage important… trop important ?

Dès l’introduction, Jackson affirme sa filiation avec le film de Cooper et Schoedsack en situant l’action en 1933 et en proposant un déroulé quasi-identique. Le cinéaste injecte néanmoins une touche très personnelle au long-métrage, à travers le personnage de Carl Denham (Jack Black), petit réalisateur aux allures de Orson Welles tentant de faire valoir son regard artistique face à de producteurs vénaux. De manière générale, Jackson offre son œuvre la plus personnelle jusqu’à ce jour. La première partie du film nous immerge dans les années 30 post krach boursier. Elle prend le temps de nous présenter les personnages embarqués malgré eux sur un bateau les menant vers un lieu rempli de dangers. Le voyage en bateau ne cesse de faire grandir le mystère et l’inquiétude concernant la terrible Skull Island.

C’est dans la seconde partie du métrage, lorsque Jackson nous fait pénétrer sur l’île que le réalisateur donne libre court à sa créativité pour donner vie au lieu. Dès leurs premiers pas, l’équipe de Denham est confrontée aux indigènes locaux. Ces derniers instaurent une tension horrifique qui insiste sur l’omniprésence de la mort, de la cruauté et de l’animalité. La faune, quant à elle, rassemble dinosaures, créatures aquatiques et insectes aux dimensions titanesques dans une jungle labyrinthique étouffante. Jamais, dans les différentes versions de King Kong, l’île n’a été aussi vivante et organique que dans cette version. Le cinéaste prend un plaisir immense à offrir une identité propre à cette terre et à la rendre la plus oppressante, terrifiante et démesurée possible. Comme dans le film de 1933, l’homme vient ici profaner un lieu où il n’est pas le bienvenu. L’espace est hors normes et hors du temps. Domine rapidement, un sentiment de désespoir envers ces protagonistes faisant route vers une mort presque certaine dans ce qui s’apparente à une version radicale du Monde Perdu de Conan Doyle.

Jackson offre aux spectateurs un assemblage hors du commun de séquences dantesques. Il assume une forme de jusqu’au-boutisme absolu dans sa façon d’accommoder les péripéties. La séquence de la fosse aux insectes géants constitue certainement le point culminant de ce musée des horreurs rappelant les débuts de carrière du cinéaste.

Kong

La figure centrale du film reste néanmoins Kong. Sa représentation psychologique est assez similaire à la version précédente. Elle propose néanmoins certains éléments plus singuliers. Le primate porte les marques visibles de combats passés, ce qui implique une certaine vieillesse chez l’animal ainsi qu’une forme de sagesse. Même s’il est le Kong le plus impressionnant et le plus violent de l’histoire de la licence, le film met également en avant des scènes plus calmes où le singe est représenté dans des moments de réflexion et de repos. Il est de fait beaucoup plus humanisé, ce qui justifie de manière plus évidente encore la forme de symbiose qui s’installe entre lui et Ann Darrow. Cette humanisation est évidemment aussi le fruit l’évolution technologique, au cœur des films depuis le début. Après la marionnette et l’homme en costume, il est ici question d’un singe entièrement animé en performance capture.

Contrairement au film original de 1933 où Kong faisait sans aucun doute, du moins jusqu’au climax du film, figure d’antagoniste principal, Jackson fait immédiatement du singe un personnage ambigu mais attachant. La mentalité des spectateurs a bien évidemment évoluée en 70 ans et l’imaginaire collectif associé à Kong en fait depuis longtemps une figure tragique victime de la cupidité de l’homme. Le cinéaste peut donc s’appuyer sur cet imaginaire pour dénoncer frontalement les agissements de l’Homme. La mort de Kong est d’autant plus émouvante et injuste que les spectateurs connaissent, dès le début, la destinée funeste qui attend le gorille. La relation liant Ann et le singe incarne ainsi à l’écran le lien que le spectateur peut entretenir avec l’animal. Le film s’achève d’ailleurs sur cette célèbre phrase : “C’est la belle qui a tué la bête”.

Le remake de 2005 est peut-être l’ultime incarnation de l’héritage de King Kong, à la fois dans l’étude du gorille géant et dans la volonté d’offrir la quintessence du film d’aventures. Pour Jackson, c’est aussi un retour à ses propres origines. La radicalité du long-métrage, notamment dans la représentation de la violence, rappelle le style de Jackson à l’époque de Braindead. Certes le film respecte le déroulé de son aîné, mais il tente de démultiplier les possibilités visuelles et narratives que permettent le cadre et l’époque pour offrir un immense témoignage d’amour aux pulp fiction et une synthèse de 70 ans de cinéma d’aventures.

Au-delà de leurs qualités intrinsèques, ces trois versions de King Kong représentent un formidable témoignage de l’évolution du cinéma hollywoodien. Chaque film est à sa manière un témoin à la fois de son époque et de l’état de l’industrie cinématographique. Véritable créature de cinéma, Kong s’est imposé comme l’une des figures les plus populaires du récit d’aventures, et de la pop culture en général. Un succès que l’on doit avant tout, même s’il a vécu bien d’autres aventures sur le grand et le petit écran, à ces 3 films fondateurs.

Vladimir Delmotte

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